L’écoute au cœur du management dans le secteur social et médico social

Cet article, interview de Marylène Exposito, a été publié dans le magazine Directions 162 du mois de mars 2018

« Écouter c’est s’imprégner de l’autre sans se laisser aspirer : buvard sans boire l’autre. »

Marylène ExpositoDes particularités en la matière pour le secteur social et médico-social ?

L’écoute se situe au cœur du métier de manager ; c’est une véritable compétence incontournable.

Qu’en est-il pour l’écoute et le management dans le secteur médico social ?

Le secteur médico social évoluent sous l’effet de facteurs externes, environnementaux (les lois 2002 DECRET 2007 2009 , les politiques sociales, les questions sociales et socio-économique ) et les facteurs internes propres au travail social : grande variété et diversité des missions et des métiers, beaucoup de femmes, capacité et taille des établissements, leurs statuts écartelés entre l’entreprise privé, publique et associatif.

Au sein de la complexité de la fonction, l’enjeu pour le manager (directeur) est de défendre le caractère prioritaire de leur fonction sociale. Le travail de manager (directeur et cadres) de service dans ce secteur doit épouser le changement et innover : il est soumis à une demande croissante d’expertise qui doit prendre en compte la spécificité du secteur, de son histoire et ses mutations. L’écoute fait partie de cette expertise et elle doit tenir compte de la culture et de l’identité professionnelle, elle-même en mouvement dans la genèse de ce secteur.

Lors de mes différentes expériences, j’ai noté que le management reste encore implicite et repose souvent sur les ressources et les qualités personnelles du cadre, et sur son expérience (juriste, comptable, présidente d’association, métier de la santé…) Le management n’est pas toujours perçu comme un métier bâti sur des compétences, dont l’écoute fait partie. Nous parlons d’écoute active, comme définit par Carl Rogers. Le cadre de proximité, est au carrefour de logiques différentes : le social, la santé, la direction, l’administratif, les familles….. Il doit souvent faire le deuil de son métier et contexte professionnel d’origine pour exercer le métier de management des équipes.

Le manager est là, pour fédérer le travail collectif pour rassembler et orienter les missions médico sociales vers un objectif commun. En effet, Le secteur medico social est un foyer humain incandescent ou se mêlent les histoires de vie des résidents, usagers, patients, des familles, des professionnels et des managers Chaque individu suit son chemin de vie, le sens personnel attribué à son travail et charge sa mission, de manière consciente ou inconsciente, du poids de ses projections, de ses affects personnels.

Au cœur de cette jungle humaine, à la fois verdoyante, luxuriante, ensoleillée et sombre, quel est le rôle de l’écoute du manager ? Pourquoi est-elle essentielle et indispensable ?

L’écoute va permettre au manager de connaître, comprendre orienter et fédérer : « C.C.O.F ».

  • Connaître : la ou les personnes, l’équipe, avoir les informations
  • Comprendre : identifier les origines des questionnements, des problèmes, de la demande, la motivation et l’implication de l’équipe
  • Orienter : conseiller rassurer épauler
  • Fédérer : faire le lien entre l’individu et le collectif
  • Pour fédérer, il faut manier les outils du management: management organisationnel, entretiens (professionnel, dit de recadrage, de feedback), réunion participative, gérer les conflits….

Comment les managers accueillent-ils la question de l’écoute généralement ?

« Écouter sollicite l’empathie et non la sympathie. » « Écouter implique de comprendre l’autre, pas être d’accord avec l’autre»

Je ne parlerai pas de « général » mais de « particulier »car chaque manager pratiquera l’écoute d’une manière personnelle et en fonction de son contexte et de la situation.
L’écoute peut être vécue comme un temps volé au cœur de l’activité et des sollicitations de toute part.

L’écoute peut être parasitée par les préoccupations du manager « le planning » « la réglementation » « la gestion administrative et financière »« les résidents et leurs familles ».
Le quasi silence et son espace exigé par l’écoute peut être rempli, voire obstrué par la parole du manager qui est plutôt dans le dire que l’écoute .

L’écoute bienveillante peut être assimilée à de la sympathie, à du copinage… L’écoute sollicite de l’empathie et non de la sympathie.

L’écoute peut être rejetée par les peurs des managers : peur des objections, peur des questions, peur des désaccords, peur de la remise en cause de l’autorité, peur de se laisser envahir par l’autre, peur de la proximité, peur que trop de proximité fragilise le leadership….. « Si je l’écoute cette fois ci, il va recommencer »L’écoute active renvoie à la confiance en ses qualités de manager et à son savoir faire managérial.

Plus le management sera de type directif plus l’écoute active aura du mal à trouver sa place. L’écoute active, inhérente à l’empathie, peut être associée à « je suis d’accord avec l’autre ». Écouter c’est comprendre, sans jugement et apriori, l’autre dans sa singularité, sa différence, son environnement et contexte à un instant « T » et dans une situation donnée. Écouter, c’est comprendre, et comprendre ne signifie pas accepter et trouver coûte que coûte une solution.

Quelles sont les conditions d’une bonne écoute et à quoi est-elle utile ?

Pour reprendre les mots du moine Ricard et de Christophe André, je parlerai de l’écoute en pleine conscience. Je parlerai de concentration, d’attention, de bienveillance (ouverture à l’autre sans préjugés) et de compétences plutôt que de temps. La qualité de l’écoute ne se mesure pas en temps, elle se mesure dans la qualité du recueil des signaux captés et leur analyse. Le temps consacré à l’écoute, cultivera les ressources humaines de l’équipe et enrichira notre récolte comme le préconise la loi du 20/80 de Pareto.

Conditions de l’écoute : être présent à l’autre lieu, calme, sans témoins, face à face, assis, synchronisation des attitudes…

Position et techniques d’écoute : corporelles, observation du non verbal (gestes, silence…) des besoins, des ressentis, reformulation, relance débat, questionnement
L’écoute peut être maladroite ou incomplète.

Écouter c’est …

  • Écouter, c’est entendre les mots et les non dits ;
  • Écouter c’est regarder et observer ;
  • Écouter c’est lire dans le regard, et dans les gestes ;
  • Écouter c’est décrypter la voix, les soupirs, les hésitations, les onomatopées et… les silences ;  Écouter c’est s’imprégner de l’autre sans se laisser aspirer : « buvard sans boire l’autre » ;
  • Écouter c’est réserver sa parole pour plus tard ou jamais : être capable de retenir ou d’abandonner ses mots pour laisser le champ libre à l’interlocuteur(ne pas couper la parole) ;
  • Écouter c’est comprendre et se rappeler (reformulation et prise de notes) ;
  • Écouter c’est vivre le moment présent avec l’autre ;
  • Écouter c’est discerner, en toile de fond les besoins relationnels de l’autre : l’écoute permet de cerner les besoins de reconnaissance, d’estime, de sécurité, d’accomplissement tels que les décrits Abraham Maslow .

L’écoute est profondément humaine. Elle au est au cœur de la relation d’aide, socle du travail dans le secteur médico social.

L’écoute conditionnée par l’attention à l’autre est au cœur de la relation d’aide. Les salariés de ce secteur ont encore plus besoin que les autres salariés d’être écoutés à leur tour. Le sens de leur travail est orienté vers l’autre, et y reconnaître la notion de don de soi ne me paraît pas excessive. L’énergie est dépensée pour les autres et l’écoute du manager est une ressource tout à fait humaine. L’écoute bienveillante qui a déposé l’a priori et les jugements négatifs, revigore en fournissant l’énergie nécessaire pour continuer. En ce sens, l’écoute du manager est « énergétigène » pour les salariés et favorise le développement de l’énergie disponible de l’équipe. L’écoute est un outil de management que le manager doit savoir utiliser dans sa communication.Il est d’autant plus important dans le secteur médico social qui a pour carburant l’humain. L’écoute traduit l’intérêt porté à l’autre et répond au besoin d’estime, de reconnaissance et de valorisation. Le manager qui écoute reconnaît la personne et le professionnel et renforce sa motivation au travail.

L’écoute est reconnue comme un puissant moyen de manager dans la mesure où elle permet de connaître la météo émotionnelle de son équipe, de recueillir des informations utiles pour l’organisation du travail. Des managers connus sont réputés pour leur qualité d’écoute.

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